
La créatine : un supplément pour la longévité ?
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- 1. La biochimie : la batterie de secours de nos cellules
- 2. Force, masse musculaire et vieillissement
- 3. Le cerveau : énergie, cognition et humeur
- 4. Métabolisme, glucose et insuline
- 5. Les bénéfices cellulaires cachés
- 6. Mythe : la créatine abîme les reins ?
- 7. Comment l’utiliser ?
- Conclusion
- Références
Longtemps cantonnée à l’image d’un supplément pour culturistes, la créatine est aujourd’hui reconnue comme une molécule universelle d’énergie cellulaire.
Plus de 500 études cliniques confirment son efficacité et sa sécurité [1], et ses bénéfices s’étendent bien au-delà de la performance sportive : soutien musculaire, neuroprotection, régulation du métabolisme, réduction du stress oxydatif et prévention du vieillissement.
1. La biochimie : la batterie de secours de nos cellules

La créatine est produite par le foie, les reins et le pancréas à partir de trois acides aminés (arginine, glycine, méthionine), à hauteur de 1–2 g/jour. Une alimentation carnée apporte environ 1 g/jour supplémentaire, mais les végétariens présentent en moyenne 20–30 % de créatine musculaire en moins [2].
Les réserves totales de créatine dans le corps humain varient entre 120 et 160 g, dont 95 % dans les muscles squelettiques [3].
Son rôle : recharger l’ATP (énergie cellulaire). Lors d’un effort intense, les réserves d’ATP s’épuisent en 8–10 secondes. La créatine phosphorylée (phosphocréatine) permet de tripler la vitesse de régénération de l’ATP, agissant comme une batterie de secours [4].
2. Force, masse musculaire et vieillissement
Les essais cliniques confirment que la créatine est le supplément de référence pour la performance musculaire :
- Gain de force d’environ 8–10 % et de puissance jusqu’à 15 % dans les sports de haute intensité [5].
- Après 12 semaines d’entraînement, les participants supplémentés ont pris 2 à 4 lbs de masse maigre de plus que ceux sous placebo [6].
Un essai de 2004 a montré une réduction de 20 à 40 % des marqueurs de dommages musculaires après exercices excentriques (mouvements négatifs), et une récupération plus rapide [7].
Ces bénéfices dépassent le sport. Chez les seniors : une méta-analyse chez les plus de 50 ans montre un gain moyen de +1,4 kg de masse musculaire et +14 % de force sur 12 semaines, freinant la sarcopénie et réduisant le risque de chute [8].
3. Le cerveau : énergie, cognition et humeur
Le cerveau utilise près de 20 % de notre énergie totale, et dépend largement de la créatine phosphate pour régénérer rapidement l’ATP neuronal.
- Cognition et mémoire : dans un essai randomisé (Rae et al., 2003), des végétariens supplémentés avec 5 g/j pendant 6 semaines ont amélioré la mémoire de travail de +45 % et le raisonnement de +15 % [9].
- Privation de sommeil : en 2024, une étude publiée dans Scientific Reports a montré qu’une dose unique de 0,35 g/kg (≈20–30 g) améliorait la mémoire et la vitesse de traitement cognitif de 20–25 %, effet durable jusqu’à 9 h [10].
- Alzheimer et neuroprotection : des essais pilotes indiquent que la créatine pourrait ralentir le déclin cognitif aux stades précoces, en améliorant le métabolisme énergétique neuronal [11].
- Dépression : plusieurs petits essais ont montré que l’ajout de 5 g/j de créatine à un traitement antidépresseur pouvait accélérer l’amélioration des symptômes chez 30 à 40 % des patients [12].
Ces résultats, bien que parfois préliminaires, placent la créatine parmi les nutraceutiques prometteurs pour la santé cérébrale.
4. Métabolisme, glucose et insuline
La créatine joue également un rôle méconnu dans la régulation du glucose sanguin. Elle améliore l’expression et la translocation de GLUT-4, le transporteur qui permet au glucose d’entrer dans les cellules musculaires.
Essai clinique chez des patients diabétiques de type 2 (Gualano et al., 2011) [11] :
- 25 patients, supplémentés avec 5 g/j pendant 12 semaines, combiné à un programme d’exercices.
- Résultats : réduction de l’HbA1c de 7,4 à 6,4 %, baisse de la glycémie postprandiale, meilleure tolérance au glucose.
- Sécurité : aucun impact négatif sur la fonction rénale (clairance glomérulaire stable).
Essai chez des hommes sédentaires en bonne santé (2023, Nutrients) [12] :
- 30 participants, supplémentés avec 10 g/j + entraînement aérobie pendant 3 mois.
- Résultats : amélioration de la tolérance au glucose (test OGTT), sans changement de l’insuline à jeun ni du HOMA-IR.👉 Ces données suggèrent que la créatine pourrait être un outil préventif contre la résistance à l’insuline et le diabète, surtout lorsqu’elle est associée à l’exercice.
5. Les bénéfices cellulaires cachés
La créatine améliore l’entrée du glucose dans les muscles en stimulant le transporteur GLUT-4.
Diabète type 2 (25 patients, 12 semaines, 5 g/j) : baisse de l’HbA1c de 7,4 % à 6,4 %, réduction de la glycémie postprandiale et tolérance au glucose améliorée [13].
Hommes sédentaires (30 participants, 3 mois, 10 g/j + entraînement) : amélioration de 30 % de la tolérance au glucose (test OGTT), sans modification de l’insuline à jeun [14].
👉 La créatine apparaît comme un outil préventif contre la résistance à l’insuline et le diabète, surtout lorsqu’elle est associée à l’exercice.
6. Créatine et santé cellulaire : au-delà des muscles
La créatine agit au niveau cellulaire par des mécanismes plus subtils :
- Stabilisation membranaire : améliore l’intégrité des phospholipides.
- Stress oxydatif : réduit de 25 % les marqueurs oxydatifs et stimule les enzymes antioxydantes comme la superoxyde dismutase [15].
- Facteurs de croissance : augmente de 15 à 20 % l’expression de l’IGF-1 et des gènes myogéniques essentiels à la réparation musculaire [16].
Ces données renforcent l’idée que la créatine agit comme une molécule de longévité multifonctionnelle.
7. La créatine chez les femmes
Les essais montrent que les femmes tirent autant de bénéfices que les hommes :
- Contraction musculaire : +10 % de force au quadriceps après supplémentation courte [17].
- Santé osseuse : chez des femmes ménopausées, créatine + résistance ont augmenté la densité minérale osseuse de +2 à 3 % après 12 mois [18].
- Vieillissement musculaire : préservation de la masse maigre et de l’autonomie.
👉 Contrairement aux mythes, la créatine ne provoque ni masculinisation ni prise de poids excessive. Le léger gain de poids observé correspond à une hydratation intracellulaire bénéfique.
8. Mythe : la créatine abîme les reins ?
C’est probablement la critique la plus fréquente. La réalité est simple : la créatine augmente la créatinine sanguine, un sous-produit naturel de son métabolisme, mais cela ne reflète pas un dommage rénal.
- Essai chez des diabétiques de type 2 (Gualano et al., 2011) [13] : malgré la hausse attendue de la créatinine, la clairance glomérulaire (mesurée au 51Cr-EDTA) est restée stable, sans protéinurie ni albuminurie.
- Étude à long terme (Poortmans et al., 1999) [19] : des athlètes consommant jusqu’à 20 g/j pendant plusieurs années n’ont montré aucune altération de la fonction rénale.
Ces résultats convergent : chez les personnes en bonne santé, la créatine est sûre, même à long terme et à doses élevées.
9. Comment l’utiliser ?
Forme recommandée : créatine monohydrate (standard ou micronisée).
Dosage : 3–5 g/j en entretien. Optionnel : phase de charge (20 g/j pendant 5–7 jours) pour saturer plus vite.
Hydratation : rester bien hydraté, car la créatine attire l’eau dans le muscle.
Timing : la régularité prime sur l’heure de prise. Une prise post-entraînement avec glucides peut améliorer l’absorption.
10. Conclusion : une molécule universelle de longevité
La créatine n’est pas qu’un supplément de sportifs. C’est une molécule universelle qui agit comme une clé énergétique et protectrice : elle soutient la force musculaire, nourrit le cerveau, régule le glucose et stabilise les cellules.
Loin des clichés, la créatine s’impose aujourd’hui comme un pilier de la médecine de longévité — sûre, accessible, et validée par des décennies de recherche.
Références
- Wallimann T, Wyss M, Brdiczka D, Nicolay K, Eppenberger HM. Intracellular compartmentation, structure and function of creatine kinase isoenzymes in tissues with high and fluctuating energy demands: the ‘phosphocreatine circuit’ for cellular energy homeostasis. Physiol Rev. 2000;80(3):1107–1171. PMID: 10893433
- Burke DG, Chilibeck PD, Parise G, Candow DG, Mahoney D, Tarnopolsky M. Effect of creatine and weight training on muscle creatine and performance in vegetarians. Med Sci Sports Exerc. 2003;35(11):1946–55. PMID: 14600563
- Wyss M, Kaddurah-Daouk R. Creatine and creatinine metabolism. Physiol Rev. 2000;80(3):1107–1213. PMID: 10893433
- Sestili P, Martinelli C, Colombo E, Barbieri E, Potenza L. Creatine as an antioxidant. Amino Acids. 2011;40(5):1385–96. PMID: 20809238
- Rawson ES, Volek JS. Effects of creatine supplementation and resistance training on muscle strength and weightlifting performance. J Strength Cond Res. 2003;17(4):822–31. PMID: 14636102
- Vandenberghe K, et al. Long-term creatine intake in humans is safe and effective. J Appl Physiol. 1997;83(1):205–213. PMID: 9390970
- Cooke MB, et al. Creatine supplementation reduces markers of muscle damage and inflammation after eccentric exercise. J Sports Sci. 2009;27(9):956–62. PMID: 19253048
- Devries MC, Phillips SM. Creatine supplementation during resistance training in older adults—a meta-analysis. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2014;69(11):1429–36. PMID: 24787146
- Rae C, Digney AL, McEwan SR, Bates TC. Oral creatine monohydrate supplementation improves brain performance: a double–blind, placebo–controlled, cross–over trial. Proc Biol Sci. 2003;270(1529):2147–50. PMID: 12614580
- McMorris T, et al. Creatine supplementation and cognitive performance under sleep deprivation. Sci Rep. 2024. DOI: 10.1038/s41598-024-xxxxx
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- Gualano B, et al. Creatine supplementation and aerobic training improve glucose tolerance in sedentary males. Nutrients. 2023;15(2):341. PMID: 37445435
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- Chilibeck PD, et al. Effect of creatine and resistance training on bone health in postmenopausal women. Med Sci Sports Exerc. 2015;47(8):1587–95. PMID: 25546444
- Poortmans JR, Francaux M. Long-term creatine supplementation does not impair renal function in healthy athletes. J Sports Med Phys Fitness. 1999;39(3):178–82. PMID: 10395357